Roman d’Alexandre Grondeau
Ma mère est née au Vietnam, j’ai appris à marcher au Gabon, mes grands-parents sont corses, mon coeur est à Kingston, La Havane, Londres et Berlin. J’ai grandi dans un quartier où les cages d’escalier sentaient le couscous et le poulet massalé. Les vendeurs de fruits et de légumes ne vendaient pas que des feuilles de salade et des herbes de Provence. Ça dealait cher, ça criait fort, ça palabrait souvent, ça bédavait sévère. Les restaurants affichaient complet, qu’ils soient orientés chiche-kebab, cuisine orientale ou rasta ital. On était tous un peu débrouillards, un peu voyous, un peu rêveurs, vraiment tchatcheurs. Je buvais déjà du rhum de la Barbade quinze ans d’âge dans des verres en plastique made in China. Je l’achetais toujours chez l’épicier du coin. Il connaissait mes préférences caribéennes et faisait crédit dans ses bons jours. Je fumais du charasse indien, du double zéro marocain, de la bonne camerounaise et de la skunk hollandaise. Les voisins parlaient portugais, italien ou patois. Il y avait des Serbes et des Kosovars qui galéraient à joindre leurs familles séparées par la guerre. Tout le monde avait fait sa Marche des beurs et envoyé du riz en Éthiopie. Les plus anciens parlaient des sales boches et de Vichy, mais cela ne nous touchait plus. On était tous le métèque de quelqu’un. J’étais français.
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